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La politique d'aide aux victimes d'infraction pénales

Le 15 février 2012
VICTIMES

La politique d’aide aux victimes

d’infractions pénales

_____________________ PRESENTATION ____________________

Pendant longtemps, la victime n’a eu qu’un rôle marginal dans le

procès pénal : le délit était, pour l’essentiel, considéré comme une

atteinte à la norme et à l’autorité, mettant face à face l’auteur de

l’infraction et l’Etat, garant de l’ordre public, et beaucoup moins comme

une atteinte à la victime.

La victime, souvent à nouveau victime d’une certaine indifférence

ou d’un apitoiement, n’était prise en compte concrètement que lorsqu’elle

se constituait partie civile.

En 1977, l’instauration des commissions d’indemnisation des

victimes a permis d’améliorer l’accès de ces dernières à la réparation.

Cependant ce n’est que dans les années 80 que la politique d’aide aux

victimes a été mise en place, par les gardes des Sceaux successifs, en

parallèle et sous l’impulsion des organisations internationales.

Les dispositifs législatifs ont considérablement évolué, avec pour

objectif de donner une place à la victime au sein du procès pénal, grâce à

une réponse mieux ciblée, selon le type d’infraction subi et les publics

spécifiques.

A titre d’exemple, on peut citer le cas de la reconnaissance des

victimes « vulnérables » : les femmes, victimes des violences

intrafamiliales, les mineurs, les victimes de la traite des êtres humains,

qui bénéficient de procédures ou de mesures de protection particulières.

La caractérisation juridique de nouveaux délits a aussi favorisé

une reconnaissance élargie des victimes315.

Des structures ont été mises en place pour faciliter, au sein des

juridictions, l’accueil et la prise en charge des victimes tout au long de la

phase judiciaire. Par ailleurs, l’accompagnement a été, dès sa

315 Par exemple : les attentats à la pudeur (loi du 30 décembre 1985) ; le harcèlement

moral (loi du 9 juillet 2010) ; les appels téléphoniques malveillants qui depuis 1990

font l’objet de poursuites pour violence psychologique, etc.

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conception, confié à un réseau associatif bénéficiaire de subventions du

ministère de la justice316.

Enfin, les processus d’indemnisation ont connu des avancées

considérables, notamment après les attentats terroristes de la fin du

siècle dernier. La loi du 9 septembre 1986 a institué pour ces victimes un

système d’indemnisation intégrale des préjudices pris en charge par

l’Etat, aujourd’hui élargi, sous certaines conditions, aux victimes

d’infraction pénale.

Sans procéder à une évaluation de l’efficacité des mesures mises

en place dans le cadre de la politique d’aide aux victimes, et en

n’évoquant pas l’aide judiciaire, la Cour s’est attachée à dresser un état

des lieux de la mise en oeuvre de la politique d’aide aux victimes par le

ministère de la justice.

Le périmètre de ce contrôle a été limité aux victimes d’infractions

pénales dont la réparation ne repose pas sur une intervention directe de

l’assurance du responsable. Plus généralement, la question des victimes

dans la procédure civile n’a pas été abordée.

Trois aspects ont été étudiés :

- la connaissance et la reconnaissance de la victime ;

- l’accompagnement de la victime tout au long de la procédure

judiciaire ;

- la réparation.

I - La connaissance et la reconnaissance des

victimes

A - Un enjeu social : une connaissance encore

insuffisante des victimes

1 - L’absence de définition juridique de la victime

Les victimes sont définies par le droit international et le droit

européen comme « des personnes qui individuellement ou collectivement

316 Ce choix n’a pas été toujours retenu dans d’autres pays, où les associations ont un

rôle plus spécialisé ou plus politique. L’aide aux victimes repose souvent sur un

dispositif particulier au sein du parquet. C’est le cas aux Etats-Unis ainsi qu’en Italie,

par exemple.

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ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou

mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave

à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions qui

enfreignent les lois pénales en vigueur dans un Etat ».317

En revanche, la victime n’a pas de définition en droit français318 : le

code de procédure pénale mentionne les droits de la partie civile ou la

possibilité d’être témoin.

L’article 2 du code de procédure pénale pose le principe que

« l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit

ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement

souffert du dommage directement causé par l’infraction ». Une victime

souffre donc d’un préjudice certain, direct et établi résultant d’une

infraction pénale commise contre elle.

2 - Des outils statistiques hétérogènes

Les statistiques relatives aux victimes existent, mais elles renvoient

à une réalité contrastée qui s’explique en partie par l’absence de

définition précise de la notion de victime.

Les définitions peuvent, en effet, varier selon l’angle d’approche,

social, psychologique ou juridique, qui joue sur la quantification du

nombre de victimes.

Le périmètre, l’objet et la méthodologie des outils de chiffrage des

victimes sont eux-mêmes disparates. Les enquêtes de victimation portent

sur l’ensemble de la population en général. Elles sont pilotées ou gérées

par l’INSEE et exploitées par l’observatoire national de la délinquance et

des réponses pénales (ONDRP). Les enquêtes exploitées par l’institut des

hautes études de sécurité/observatoire national de la délinquance

(INHES/OND) rendent compte des faits constatés par les services de

police et de gendarmerie. Les enquêtes du ministère de la justice portent

sur les victimes d’infraction pénale ayant porté plainte et dont la plainte

est suivie par le parquet.

317 Résolution 40/34 du 29 novembre 1985 de l’Assemblée générale des Nations

Unies portant déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes

de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir et décision-cadre de l’union

européenne du 15 mars 2001.

318 Le développement de la victimologie en tant que discipline universitaire a conduit

à un grand élargissement de la notion de victime, qui tend à sortir du champ

strictement pénal pour investir le champ sociologique.

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3 - La réalité du nombre de victimes encore mal évaluée

De ce fait, la forte incertitude sur le nombre réel des victimes

relevée, dénoncé dans le rapport Lienemann en 1999, existe toujours, bien

qu’étant sans doute de moindre ampleur. En témoigne le décalage

important entre les résultats des enquêtes de victimation319 et les études

statistiques conduites par le ministère de la justice. Celle-ci évalue le

nombre de victime à environ 134 000 personnes320.

Cette connaissance des victimes constitue un enjeu important pour

la détermination des politiques publiques et l’aménagement des mesures

de prise en charge des victimes ou de la lutte contre toutes formes de

violence.

Un effort particulier doit être mené dans ce domaine, si l’on

considère, en outre, la faiblesse du dépôt de plaintes : « une personne sur

cinq estime avoir été victime d’au moins une agression au cours des deux

dernières années ; 24 % de cette population font une déclaration à la

police et 16 % vont jusqu’à porter plainte. »321 Ce taux tombe à 9 %

lorsqu’il s’agit de violence intrafamiliale – soit 90 % des faits qui restent

impunis faute d’avoir été portés à la connaissance des autorités

judiciaires.

Les causes de cette faiblesse restent difficiles à analyser, mais

l’appréciation du caractère utile de la démarche, le fait de connaître ou

non l’auteur de l’infraction, la connaissance de ses droits et les

caractéristiques socio-démographiques de la victime en constituent des

paramètres importants.

B - Un enjeu humain : une victime mieux accueillie mais

encore démunie face à l’exécution de la peine

1 - La victime trouve sa place au sein de la procédure judiciaire

La victime a sa place en amont et, désormais, au cours du procès :

elle peut déclencher des poursuites par un dépôt de plainte, s’y associer,

319 L’enquête de victimation de 2008 porte sur l’ensemble de la population et évalue à

environ 2,1 millions de personnes les seules victimes d’actes de violence physique

et/ou de violence sexuelle.

320 Le rapport de synthèse des états statistiques renvoyés par les associations précise

qu’environ 222 318 victimes d’infraction pénale ont été reçues par les associations.

Chiffres 2010 non disponibles.

321 Infostat Justice novembre 2010, n° 110.

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et elle doit recevoir une information sur les suites données à sa plainte par

le procureur de la République et sur le déroulement du procès.

Une difficulté non négligeable subsiste, résultant de la multiplicité

des textes322 (provenant majoritairement du ministère de la justice, mais

également d’autres ministères – santé, transport, éducation nationale,

jeunesse et sport) dont l’objet principal ne porte pas sur la victime en tant

que telle, mais qui comprennent des dispositions qui la concernent.

Cet empilement de textes ne facilite pas la connaissance de son

droit par la victime et explique la nécessité d’avoir recours à un dispositif

d’accompagnement en amont de la procédure judiciaire.

2 - La situation de la victime reste néanmoins encore difficile

dans la phase d’exécution de la peine

La situation de la victime après le procès reste plus délicate pour

l’obtention de l’indemnisation et davantage controversée s’agissant des

suites pénales concernant l’auteur de l’infraction et sa libération le

moment venu.

Sur ce dernier point, la présence de la victime est, certes, renforcée

dans la phase post-sentencielle, où elle doit être informée sur les suites du

procès.

En revanche, dans la pratique, l’accès à ces informations - la

victime n’a pas en général de relation directe avec le juge de l’application

des peines (JAP) - dépend, en grande partie, de la présence et de la

mobilisation d’un avocat après le procès ou du bon fonctionnement des

bureaux d’exécution des peines (BEX).

L’exécution des peines est, en outre, loin d’être systématique,

laissant ainsi la victime démunie, sans moyen pour agir, notamment dans

le recouvrement de la réparation.

Cette situation est d’autant mal vécue qu’au sentiment d’injustice

qu’elle éprouve dès lors s’ajoute l’obligation d’avoir recours à un huissier

de justice et d’en supporter la charge, sans avoir la certitude de recouvrer

tout ou partie de l’indemnité demandée et les sommes allouées par

avance.

Enfin, les récents dysfonctionnements de la chaîne pénale, dont le

suivi médico-judiciaire, ou perçus comme tels par l’opinion publique, ont

ravivé les débats sur l’intervention de la victime dans le nouveau procès

322 En moins de 5 ans, pas moins de huit lois, relatives à différents points de droit et

de procédure pénale, sont dénombrées.

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conduit par le tribunal d’exécution des peines, et sur la libération

anticipée d’auteurs de crime ou d’agression sexuelle.

II - L’accompagnement des victimes : des progrès

substantiels mais fragiles

Toute victime possède le droit d’agir ou de ne pas agir en justice.

Cependant, son choix ne peut être mis en oeuvre que si elle possède une

information claire et suffisante sur ses droits et les conséquences de son

choix.

A - Un accompagnement associatif vulnérable

Tout au long de la procédure judiciaire, la victime peut

désormais bénéficier d’un accompagnement en s’adressant, à titre gratuit,

au réseau associatif d’aide aux victimes323. L’association locale, qui tient

le plus souvent une permanence au sein du tribunal de grande instance,

doit pouvoir mettre à sa disposition une aide juridique et, le cas échéant,

une aide psychologique.

Le réseau associatif est considéré par le ministère de la justice

comme la pierre angulaire de la politique d’aide aux victimes, malgré des

études qui montrent que seulement 14 %324 des victimes s’adressent à une

association.

Ce réseau comprenant des associations généralistes et

spécialisées dans l’aide aux victimes (qui ne se confondent pas avec les

associations de victimes) regroupe près de 180 associations, adhérentes à

de grandes fédérations, dont la principale est l’institut national d’aide aux

victimes et de médiation (INAVEM). Ce dernier est le premier partenaire

du ministère de la justice et apporte sa contribution à la définition et à

l’animation de la politique d’aide aux victimes (il gère notamment la

323 Dans certaines juridictions, des permanences sont tenues par des avocats ou des

consultations gratuites sont proposées. Par ailleurs, quelques juridictions organisent,

en coordination avec les services médico-sociaux locaux, des accueils spécialisés

(unités médico-sociales ou médico-judiciaires) permettant la délivrance de soins

immédiats ou la prise en charge d’un public ciblé (mineurs victimes de violence

sexuelle, notamment).

324 Source : enquête du ministère de la justice 2008. Sur ces 14 %, 72 % se montrent

satisfaites de l’intervention de l’association. Ces chiffres n’ont pas été actualisés.

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plate-forme téléphonique 08 Victimes), dans des conditions qui

justifieraient un réexamen de la convention qui le lie au ministère325.

Les associations bénéficient jusqu’à présent de diverses

subventions, en plus de celle allouée par le ministère dans le ressort de

chaque cour d’appel.

La coordination et la complémentarité de ces financements sont

relativement mal assurées, ce qui conduit à une méconnaissance de la

réalité de la situation financière des associations par les autorités

judiciaires.

Il est vrai que depuis 2009, les collectivités locales se sont

retirées, partiellement sinon en totalité, du subventionnement.

De plus, la perspective d’une baisse d’environ 10 % de la

dotation326 du ministère de la justice destinée aux associations renforce

l’incertitude, malgré les objectifs ambitieux fixés par le ministère de la

justice pour consolider le maillage territorial, assurer la mise en place des

bureaux d’aide aux victimes au sein de chaque tribunal de grande instance

et développer la polyvalence de leurs prestations.

B - Un accompagnement au sein de la juridiction encore

en construction

L’accueil physique et humain des victimes a fait des progrès -

sous réserve de possibilités d’aménagement au sein des palais de justice -

du fait d’une meilleure sensibilisation des professionnels de la justice,

mais aussi des services de police et de gendarmerie, les premiers à

recueillir la plainte.

Par ailleurs, des « bureaux d’aide aux victimes » ont été créés par

tranche d’une douzaine par an et devraient être une cinquantaine d’ici

2012.

Malgré leur caractère récent, ces bureaux rencontrent un accueil

positif et contribuent à une meilleure prise en charge des victimes.

Cependant, ils dépendent de l’existence d’une association

dynamique sur le ressort de la juridiction, capable d’assurer une

325 L’attribution de la gestion de la plate-forme téléphonique n’a pas fait l’objet d’une

procédure de mise en concurrence et de passation d’un marché public.

326 Les crédits destinés à l’aide aux victimes s’élevaient à 10,4 M€ en lois de finances

initiale 2011 et à 10,1 M€ dans le projet de loi de finances 2012. Ils recouvrent

notamment les subventions au réseau d’associations locales et celles aux fédérations

nationales.

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permanence327 avec les moyens évidemment limités mis à disposition par

le tribunal de grande instance et la chancellerie, et de la bonne liaison

avec les autres associations.

En outre, pour assurer la coordination de tous les acteurs,

judiciaires et associatifs, intervenant autour de la victime, un décret de

novembre 2007 a institué un juge délégué aux victimes au sein des

tribunaux de grande instance. Cette fonction supplémentaire n’est exercée

qu’à temps partiel.

La Cour n’a pu que constater la place marginale qu’occupe encore

ce juge, en particulier face aux services du parquet, interlocuteurs directs

des victimes dont il reçoit les plaintes.

Au total, la Cour constate la faiblesse du pilotage du réseau

associatif par la chancellerie et les juridictions.

Dans certaines juridictions, les objectifs des parquets et des

associations peuvent diverger, malgré la signature des contrats d'objectif

au niveau des cours d'appel, en l'absence d'un suivi et d'un contrôle

réguliers328. La chancellerie reçoit des rapports annuels des associations,

mais ne les exploite pas suffisamment pour en tirer l’ensemble des

informations et enseignements. Elle a cependant élaboré un projet de

schéma territorial d'intervention qui reste à mettre en oeuvre.

Plus généralement, l’aide aux victimes devrait s’inscrire dans une

dimension globale impliquant les différents acteurs publics pour corriger

les lacunes du dispositif et les duplications. Or malgré l’existence

d’instances supposées y remédier, comme le conseil national de l’aide

aux victimes329, cette articulation reste encore très insuffisante.

III - Un accès à la réparation encore inégal

La réparation des dommages causés est un élément essentiel de la

« reconstruction » de la victime.

327 Se pose en outre le problème de l’accueil des victimes la nuit et le week-end.

328 Les magistrats délégués à la politique associative ne consacrent généralement que

5 à 15 % de leur temps à l’aide aux victimes.

329 Instauré par le décret du 3 août 1999, ce conseil vient d’être modifié par un décret

du 21 septembre 2010. Il est aujourd’hui une instance de concertation chargée de

formuler toute proposition concernant l’accueil, l’information, la prise en charge et

l’indemnisation des victimes d’infraction pénale. Il fonctionne comme un groupe de

réflexion engagé sur quelques thématiques annuelles et non comme une instance de

coordination interministérielle.

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Les améliorations dans le champ juridique de l’indemnisation sont

significatives, notamment avec le principe de la réparation intégrale du

préjudice lorsque les faits présentent un degré de gravité important330.

L’effectivité de la réparation reste néanmoins subordonnée au

choix de la procédure conduisant à l’indemnisation.

L’indemnisation de la victime d’une infraction pénale ayant

entraîné des dommages corporels ou matériels peut se faire :

- par le tribunal, si l’auteur des faits est identifié, jugé et solvable ;

- par l’Etat, sous certaines conditions, lorsque la réparation de leur

préjudice ne peut être indemnisée par l’auteur ou l’organisme

d’assurance.

A - Une procédure complexe et aléatoire de réparation

par l’auteur de l’infraction,

La procédure pénale visant à condamner l’auteur de l’infraction

demeure souvent l’ordinaire de l’indemnisation. Elle repose sur

l’exécution de la peine et la solvabilité de l’auteur de l’infraction. La

victime doit se constituer partie civile. Toutefois, cette indemnisation par

l’auteur de l’infraction est souvent aléatoire et fait suite à des procédures

relativement complexes qui peuvent décourager très souvent la victime :

le préjudice doit être déterminé, et chaque dommage doit donner lieu à

une évaluation du montant de la réparation. Le montant du préjudice

évalué par poste requiert une expertise médico-légale et doit comprendre

également l’évaluation du préjudice consolidé.

Le niveau d’indemnisation est fixé directement par les juridictions,

avec une valeur plafond pour certains préjudices.

Ce principe d’un barème individualisé qui renvoie au pouvoir

d’appréciation souverain du juge, sans cadre de référence, peut conduire à

d’importantes disparités au sein d’un même ressort331.

Par ailleurs, l’inexécution des décisions de justice expose sans

aucun doute la victime à un second préjudice.

Une enquête conduite en 2008 par le ministère de la justice montre

qu’une majorité de victimes renonce au recouvrement des dommages et

330 Article 706-3 du code de procédure pénale.

331 Pour un viol, le montant de l’indemnisation peut varier de 15 000 à 40 000 euros

selon les juridictions.

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intérêts du fait de la méconnaissance des procédures ou de la nécessité de

faire l’avance des frais d’expertise ou de recouvrement.

Il n’est donc pas surprenant que les choix des procédures

d’indemnisation et l’accès à une juste indemnisation dépendent pour une

bonne part des stratégies d’avocats.

B - La montée en puissance de l’indemnisation par

l’Etat

Le dispositif d’indemnisation par l’Etat est relativement complet et

efficace332. Les victimes d'infractions pénales graves, ou leurs ayants

droit, peuvent, sous certaines conditions, obtenir une indemnité de l'Etat

en réparation de leur préjudice quand celui-ci ne peut être indemnisé par

l'auteur (inconnu, insolvable, notamment) ou les organismes d'assurance.

L’indemnisation par l’Etat s’articule autour des mesures

suivantes :

- la commission d’indemnisation des victimes d’infraction

(CIVI), créée par la loi n° 77-5 du 3 janvier 1977333 a un champ

de compétence très large, puisque toute personne ayant subi un

préjudice résultant de faits volontaires ou non, et

matériellement caractérisé, peut obtenir, sous certaines

conditions (et pour les infractions les plus graves), la réparation

intégrale des dommages résultant d’atteinte à la personne et,

dans une moindre mesure, d’atteinte aux biens. Le nombre de

dossiers ouverts a progressé de 12 % entre 2007 et 2009 :

passant de 16 447 dossiers à 18 459 ;

- le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d’autres

infractions pénales (FGTI), créé par l’article 9 de la loi n° 86-

1019 du 9 septembre 1986, prépare et exécute les décisions de

la commission d’indemnisation des victimes d’infractions

(CIVI). Il était chargé d’assurer l’indemnisation des victimes du

terrorisme, mais sa compétence a été étendue à la réparation des

préjudices découlant d’une infraction pénale, par la loi n° 90-

332 Différentes mesures spécialisées d’indemnisation prévus par l’Etat existent : le

fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) ; l’office national

d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), etc.

333 Cette loi, codifiée au code de procédure pénale, a été remaniée depuis à plusieurs

reprises, pour assouplir les conditions d’indemnisation, instaurer un droit d’appel des

décisions des commissions d’indemnisation des victimes d’infractions et étendre le

dispositif à l’ensemble des tribunaux de grande instance.

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LA POLITIQUE D’AIDE AUX VICTIMES D’INFRACTIONS PENALES 467

589 du 6 juillet 1990 modifiant le code de procédure pénale et

le code des assurances et relative aux victimes d’infraction.

Ce fonds exerce aujourd’hui une triple mission :

- indemniser les victimes d’actes de terrorisme ;

- indemniser les victimes d’autres infractions ;

- exercer les recours contre les responsables afin de récupérer les

sommes versées aux victimes.

Il joue le rôle de débiteur complémentaire nécessaire pour assurer

la réparation intégrale de la victime et est amené à indemniser les

dommages qui ne pourront être pris en charge à un autre titre.

En 2010, le montant total des indemnités versées aux victimes

d’infraction s’est élevé à 289 M€334. Il a connu une montée en puissance

considérable335 et constante (en 1994, ce montant s’élevait à 73 M€).

La situation financière du fonds de garantie des victimes des actes

de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), qui détient des actifs

correspondant à trois ans d’indemnisations, à leur niveau actuel, reste

relativement incertaine puisque le volume d’indemnisation dépend des

événements et rythmes judiciaires. Ses ressources, qui reposent

essentiellement sur une taxe prélevée sur les contrats d’assurance de

biens, lui octroient une faible marge de manoeuvre. Ses tutelles doivent la

surveiller attentivement.

Enfin, le service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction

(SARVI), géré par le fonds de garantie des victimes du terrorisme et

d’autres infractions pénales (FTGI), a été institué par la loi du 1er juillet

2008. Il procède à des avances au bénéfice des victimes, sans que cellesci

aient à engager immédiatement des procédures complexes. La

provision correspondant à la somme à recouvrer reste néanmoins

modeste, de l’ordre de 1 000 à 3 000 euros. En 2010, 25 576 dossiers ont

334 Source : rapport d’activité 2010 : fonds de garantie des victimes du terrorisme et

d’autres infractions pénales. En 2009, le montant des indemnisations versées s’élevait

à 259 M€.

335 Une enquête du ministère de la justice en 2008 indiquait pourtant que seulement

15 % des victimes interrogées avaient eu connaissance de l’existence de la

commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). In « La satisfaction

des victimes d’infraction concernant la réponse de la justice », A. Benzakri,

novembre 2009. Aucun chiffre plus récent n’est disponible.

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été ouverts et 14,8 M€ versés aux victimes, soit une augmentation de près

de 300 % du montant des versements par rapport à 2009336.

__________CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________

La législation a connu une évolution positive sur le plan des

principes : elle vise à mieux prendre en compte la situation des victimes,

mais il s’ensuit un empilement de textes et de ce fait une grande

complexité juridique.

Le ministère de la justice a délégué une partie de

l’accompagnement et de la prise en charge de la victime à un réseau

associatif, mais la fragilité financière et la qualité de l’intervention des

associations ne sont pas suffisamment évaluées.

Le dispositif d’indemnisation, malgré d’importants progrès, reste

complexe et inégalitaire. La procédure d’indemnisation par l’Etat repose

sur un équilibre précaire qu’une évolution brutale – liée à une crise

financière durable – pourrait déstabiliser, sauf à modifier profondément

les barèmes d’indemnisation.

L’animation du réseau des associations par le ministère de la

justice reste sommaire : les critères de subventionnement sont complexes,

et, sans doute du fait de leur caractère récent, ne semblent pas encore

appliqués dans la pratique. Celle-ci consiste essentiellement à reconduire

la subvention accordée auparavant. L’évaluation de la qualité du réseau

relève de la compétence des magistrats délégués à la politique

associative, qui ne consacrent que 5 à 15 % de leur temps à l’aide aux

victimes. Cette évaluation n’est, dès lors, conduite aujourd’hui qu’au

moyen d’enquêtes statistiques ou des actions des grandes fédérations

d’associations d’aide aux victimes, ce qui est insuffisant.

La faiblesse, voire l’absence, de coordination interministérielle

empêche de tirer le meilleur parti de l’action publique. En particulier, il

est difficile d’organiser et d’articuler les financements publics à l’échelle

nationale ou à l’échelon local (départemental ou par juridiction).

La Cour recommande :

- dans le domaine de la connaissance des victimes :

1. d’améliorer la connaissance du nombre, de l’évolution et des

caractéristiques socio-démographiques des victimes d’infractions

336 En 2009, 11 028 dossiers avaient été ouverts pour un versement de 4, 6 M€.

Source : rapport d’activité 2010 du fonds de garantie des victimes du terrorisme et

d’autres infractions pénales.

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LA POLITIQUE D’AIDE AUX VICTIMES D’INFRACTIONS PENALES 469

pénales, par des enquêtes renouvelées conduites par le ministère de

la justice ;

- dans le domaine de l’accompagnement :

2. de procéder à l’évaluation régulière de la qualité des services rendus

par les associations d’aide aux victimes, au niveau des juridictions

(tribunaux de grande instance et cours d’appel), avec un suivi au

niveau national, notamment par l’exploitation systématique des

rapports d’activité annuels, au-delà de la production de la synthèse

des états statistiques annuels ;

3. de mesurer l’activité des magistrats délégués à la politique

associative dans le domaine de l’aide aux victimes (en particulier, la

réalité des relations avec les associations du ressort de la cour

d’appel, nombre de rencontres, réunions d’orientation, réunions

d’évaluation et de présentation du rapport d’activité) ;

4. de mieux définir, à cet effet, les actions des associations qui relèvent

de l’accompagnement strictement judiciaire (avec la définition d’un

cahier des charges de ces actions a minima, pour aider les chefs de

juridiction à établir les conventions d’objectifs justifiant les

subventions) ;

5. d’évaluer la situation financière des associations pour s’assurer de

la pérennisation de leurs actions ;

6. de relancer la coopération interministérielle, en réactivant le conseil

national d’aide aux victimes, et de s’assurer de la visibilité et de

l’emploi de la totalité des financements publics destinés aux

associations ;

- dans le domaine de l’indemnisation :

7. de faciliter la demande d’indemnisation des victimes, en matière de

procédure pénale, notamment par une information systématique sur

les démarches de détermination du préjudice corporel, matériel ou

moral lors du dépôt de plainte (en particulier, la production des

pièces médico-judiciaires nécessaires à la poursuite de la procédure

pénale) ;

8. de proposer des barèmes de référence pour l’indemnisation des

victimes en vue d’éviter les trop grandes disparités d’indemnisation.

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SOMMAIRE DES REPONSES

Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés 472

Ministre du travail, de l’emploi et de la santé 482

Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme

de l’Etat, porte-parole du Gouvernement

483

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472 COUR DES COMPTES

REPONSE DU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

A titre liminaire, je tiens à souligner que le budget dédié à l'aide aux

victimes a augmenté, entre 2002 et 2010, de plus de 82 %. Un effort

budgétaire particulièrement significatif a été réalisé en 2008 puisque les

crédits ont augmenté de près de 15 % entre 2007 et 2008.

En 2011, dans un contexte budgétaire restreint, les crédits

d'intervention de l'aide aux victimes ont diminué de 5 % par rapport à 2010

conformément aux objectifs fixés par le Premier Ministre à 1'ensemble des

administrations.

Ce projet d'insertion au rapport public appelle par ailleurs de ma

part les quelques observations ou éléments suivants :

I - La Cour met en cause l'hétérogénéité des outils statistiques et

recommande « d'améliorer la connaissance du nombre, de l'évolution et

des caractéristiques socio-démographiques des victimes d'infractions

pénales, par des enquêtes renouvelées conduites par le ministère de la

justice »

- Au préalable, la Cour semble distinguer deux organismes de

statistiques. Or, aux termes du décret 2009-1321 du 28 octobre 2009,

l'institut national des hautes études de sécurité (INHES), chargé de la

promotion et de la diffusion des connaissances, a intégré la justice dans son

champ de compétences et est devenu l'institut national des hautes études de

sécurité et de la justice (INHESJ). L'observatoire de la délinquance (OND),

département de l'INHES qui a pour mission de recueillir les données

statistiques, a donc lui-même été modifié pour devenir 1'observatoire de la

délinquance et de la réponse pénale (ONDRP).

La disparité entre les outils de chiffrage n'a donc rien d'incohérent.

En effet, les différentes enquêtes victimes ont pour objectif de mesurer des

données différentes et de renseigner sur des indicateurs variés. Le périmètre,

l'objet et la méthodologie des outils de chiffrage ne peuvent donc pas être

identiques.

Ainsi, chaque année, 1'observatoire national de la délinquance et des

réponses pénales (ONDRP) réalise une enquête nationale de victimation

permettant de connaître le nombre et le profil des personnes qui s'estiment

victimes d'une agression et les évolutions, tant conjoncturelles que

structurelles de la criminalité et de la délinquance. Cette enquête comprend,

depuis 2011, des questions sur le point de savoir si les victimes sont

satisfaites des services rendus par les associations d'aide aux victimes. Cette

modification du champ de compétence de 1'enquête de victimation permet de

renseigner 1'indicateur de satisfaction des victimes inclus dans le Rapport

Annuel de Performance.

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Parallèlement, des enquêtes de satisfaction ont été menées par le

ministère de la justice et des libertés afin de répondre à l'objectif de

performance de l'action 03 «aide aux victimes» du programme 101 « accès

au droit et à la justice » relatif à l'évaluation de l'efficience du réseau

spécialisé des associations.

Des enquêtes ont été réalisées en 2006, en 2007 et en 2008 avec

l'appui technique de l'institut TNS SOFRES. En 2011, le ministère de la

justice et des libertés a conclu un marché avec IPSOS afin qu'une enquête

téléphonique soit effectuée auprès d'un échantillon représentatif de victimes

d'infractions pénales s'étant rendues dans des permanences tenues par les

associations d'aide aux victimes. Cette enquête est destinée à améliorer la

connaissance du nombre de l'évolution et des caractéristiques sociodémographiques

des victimes d'infractions pénales ainsi que la connaissance

de leur satisfaction par rapport aux différentes offres de services des

associations d'aide aux victimes.

En conséquence, chacune de ces enquêtes répond à un objectif

précis : le nombre de victimes ou l'évaluation de la satisfaction des victimes

par rapport aux associations d'aide aux victimes.

- La Cour souligne également le « décalage important entre les

enquêtes de victimation et les études statistiques conduites par le ministère

de la justice ». Elle déduit de ce constat qu'un « chiffre noir » des victimes

demeure et met en exergue le fait que cette connaissance des victimes

constitue un enjeu important pour la détermination des politiques publiques

et l'aménagement des mesures.

La Cour s'appuie ensuite sur des données chiffrées : elle fait valoir

que les études conduites par le ministère évaluent « le nombre de victimes à

environ 134 000 personnes tandis que le rapport de synthèse des états

statistiques envoyés par les associations précise qu'environ 222 318 victimes

d'infractions pénales ont été reçues par les associations (chiffres 2010 non

disponibles)».

Ce chiffre de 134 000 victimes a été relevé dans l'étude réalisée par la

sous-direction de la statistique du ministère de la justice relative à « la

satisfaction des victimes de délits suite au jugement de leur affaire » publiée

dans l'lnfostat Justice n° 112. Il importe de préciser que ce chiffre

correspond au nombre des seules victimes de délits dont l'affaire a été jugée

en 2007 étant observé que l'enquête de satisfaction 2007 était basée sur une

population totale de 244 339 victimes. En conséquence, ce chiffre de

134 000 ne peut utilement être rapproché du nombre de victimes

d'infractions pénales ayant été reçues en 2009 par les associations. Les

chiffres, disponibles en 2010, dénombrent 238 352 victimes reçues par des

associations d'aide aux victimes.

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474 COUR DES COMPTES

Par ailleurs, le rapport Lienemann définit le « chiffre noir » comme le

nombre de « victimes oubliées » qui « n'ont pas signalé leur situation de

victime d'infraction ».

Comparer le nombre de victimes venues se renseigner auprès

d'associations et le nombre d'affaires jugées n'est pas mettre en exergue un

« chiffre noir ». En effet, l'écart constaté peut se justifier par bien d'autres

motifs que l'absence de dénonciation des faits subis. Des causes d'extinction

de l'action publique peuvent en effet survenir, 1'auteur des faits peut

demeurer inconnu ou des voies alternatives aux poursuites peuvent être

choisies par le ministère public.

Enfin, le ministère de la justice et des libertés dispose bien de données

précises issues des cadres du parquet qui permettent d'orienter les politiques

publiques mises en oeuvre. Le nombre de victimes enregistrées au bureau

d'ordre s'élève à 3 137 901 en 2008, à 3 032 204 en 2009 et à 2 983 379 en

2010 tandis que le nombre de victimes qui se sont constituées parties civiles

correspond à 148 658 en 2008, à 151 010 en 2009 et à 157 891 en 2010.

II - La Cour souligne les difficultés de la victime dans la phase

d'exécution de la peine

- La Cour ne peut affirmer que l'accès aux informations sur les suites

du procès « dépend, en grande partie, de la présence et de la mobilisation

d'un avocat après le procès ou du bon fonctionnement des bureaux

d'exécution des peines (BEX) et que l'exécution des peines est loin d'être

systématique, laissant ainsi la victime démunie, sans moyen pour agir,

notamment dans le recouvrement de la réparation ».

Le ministère de la justice et des libertés se montre particulièrement

attentif à ce que les victimes puissent percevoir les dommages et intérêts qui

leur sont alloués par les juridictions.

Il serait souhaitable que la présentation de la Cour mentionne à ce

stade les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) et le

service d'aide au recouvrement des victimes d'infraction (SARVI).

D'ailleurs, les associations d'aide aux victimes orientent les victimes

vers les CIVI et le SARVI et les aident dans leurs démarches de recouvrement

des dommages et intérêts.

En 2010, 24 112 victimes ont notamment été informées par les

associations d'aide aux victimes sur le fonctionnement du SARVI et

22 856 sur celui de la CIVI.

Enfin, il ne faut pas oublier le rôle essentiel dévolu aux instances

chargées de l'application des peines. Les articles 707 et D.49-64 du code de

procédure pénale disposent en effet que, dans l'exercice de leurs attributions,

le ministère public et les juridictions de l'application des peines, ainsi que,

s'il est saisi, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, prennent en

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compte, tout au long de l'exécution de la peine, la protection des intérêts et

des droits de la victime ou de la partie civile. En conséquence, le juge de

l'application des peines, informé du non respect de l'obligation d'indemniser

la victime, peut imposer un échéancier à l'auteur, ou sanctionner ce dernier

par la révocation de la mesure probatoire (par ex : SME) ou de

l'aménagement de peine (par ex : libération conditionnelle) dont il fait l'objet

ou encore, s'il est détenu, le refus de réduction supplémentaire de la peine.

- S'il est vrai que «cette situation est d'autant mal vécue qu'au

sentiment d'injustice qu'elle éprouve dès lors s'ajoute l'obligation d'avoir

recours à un huissier de justice et d'en supporter la charge, sans avoir la

certitude de recouvrer tout ou partie de l'indemnité demandée et les sommes

allouées par avance », je souhaite rappeler qu'en vertu de la loi du 10 juillet

1991, les victimes les plus démunies ou les victimes des crimes les plus

graves peuvent bénéficier d'une aide couvrant totalement ou partiellement les

frais de la procédure. Ainsi, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit

non seulement à l'assistance d'un avocat mais également à celle de tous

officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours, ce

qui comprend les frais d'huissiers de justice pour la mise en oeuvre des voies

d'exécution.

Pour mémoire, en 2011, le budget de l'aide juridictionnelle, pour la

rétribution des huissiers de justice, s'est élevé à 4 300 000 €.

III - La Cour met en cause l'animation et le suivi du réseau

associatif

- L'attribution de la gestion de la plateforme téléphonique

08VICTIMES

La Cour relève que « l'attribution de la gestion de la plateforme

téléphonique n'a pas fait l'objet d'une procédure de mise en concurrence et

de passation d'un marché public ».

L'institut national d'aide aux victimes et de médiation (INAVEM) est

l'une des principales fédérations partenaires du ministère. Elle a notamment

pour mission de gérer la plateforme d'écoute téléphonique 08VICTIMES. Si

la procédure de mise en concurrence et de passation d'un marché public

n'ont effectivement pas encore pu être mises en place, il importe de préciser

que suite à la circulaire du Premier Ministre du 18 janvier 2010 relative aux

relations entre les pouvoirs publics et les associations, un audit a été réalisé.

Ce dernier a permis de vérifier la conformité du versement des subventions

aux associations au regard de la réglementation communautaire relative aux

aides d'Etat et au droit interne concernant la commande publique et

d'assurer une sécurité juridique. Parallèlement, le ministère de la justice et

des libertés a analysé la convention cadre qui lie l'Etat à l'INAVEM pour la

gestion de la plateforme téléphonique d'aide aux victimes. Après examen, il a

été conclu à la nécessité de passer un marché public pour 1'exécution de

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476 COUR DES COMPTES

cette prestation considérée comme un service d'intérêt économique général

(SIEG).

Le ministère de la justice et des libertés a dès lors décidé de

renouveler la convention d'objectifs avec l'INAVEM pour l'année 2011 mais

a avisé cette fédération de la mise en oeuvre pour cette action d'une

procédure de mise en concurrence en vue de la conclusion d'un marché

public avant le 1er janvier 2013.

La situation est donc en cours de régularisation.

b) La Cour recommande « de procéder à une évaluation régulière de

la qualité des services rendus par les associations d'aide aux victimes, au

niveau des juridictions (tribunaux de grande instance et cours d 'appel) avec

un suivi au niveau national, notamment par l'exploitation systématique des

rapports d'activité annuels, au-delà de la production de la synthèse des états

statistiques annuels ».

C'est un sujet particulièrement important. Je peux vous assurer que le

ministère de la justice et des libertés y veille. Chaque année, les magistrats

délégués à la politique associative et à l'accès au droit (MDPAAD), présents

au sein de chaque cour d'appel, instruisent les demandes de subventions des

associations. Ils s'appuient pour cela sur la circulaire d'orientations en

matière de politique associative publiée par le ministère de la justice et des

libertés et sur les rapports d'activité annuels des associations. Les MDPAAD

élaborent une synthèse de 1'activité de chaque association, vérifient à ce titre

que les associations ont atteint les objectifs fixés et qu'aucune anomalie

budgétaire n'apparaît. Ils font également ressortir les projets de

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